Histoire d'Avignon : du XVe au XVIIIe siècle


Le temps des Légats et Vice-légats

Le départ du pape et de sa cour fut évidemment un événement dommageable pour une ville alors en plein développement. La population chute de plus de la moitié pour passer à environ 15 000 personnes, ce qui reste néanmoins au moyen âge une taille plus que respectable. La ville garde encore une grande partie de son prestige: elle est un grand centre de commerce, d'où s'exerce l'influence italienne dans tout le midi de la France.


En 1432 les Avignonnais se révoltent : ils désiraient en effet être gouvernés par un personnage éminent et prestigieux et s'étaient adressés en ce sens au pape. Hors, le pape nomma son propre neveu, un homme "sans importance" ; les avignonnais piqués au vif formèrent une révolte. Le pape nomma alors le cardinal de Foix, mais trop tard, les avignonnais vexés reconduisent les émissaires du cardinal. Ils subirent alors un nouveau siège qui dura deux mois. Un légat, aux pouvoirs étendus, chargé de l'administration des possessions pontificales et du Comtat redonna à Avignon l'importance d'une seconde Rome "l'altera Roma". Certains Cardinaux avignonnais furent très célèbres tels le cardinal Julien de la Rovère, légat de 1476 à 1503, puis élu pape sous le nom de Jules II.


Néanmoins, le déclin économique et politique de la ville est inexorable. A sa mort en 1481 Charles III, comte de Provence, lègue ses États au roi de France. Avignon et le Comtat forment dorénavant une enclave dans le Royaume de France. le Roi est un interlocuteur pressant dont il faut plus que jamais tenir compte. François Ier y séjourna de nombreuses fois, notamment, de retour de Marignan ou pendant le conflit qui l'oppose à Charles Quint.


Les guerres de religion épargnent Avignon qui reste fidèle au pape mais le Comtat est le théâtre de luttes sanglantes. Les huguenots sont solidement implantés à Orange et dans le Dauphiné voisin. Pour assurer la sécurité de ses États, le pape doit faire appel au roi de France Charles IX qui place son cousin Charles de Bourbon, futur roi de la Ligue, à la tête de la légation (de 1565 à 1590). Celui-ci se fait représenter sur place par le cardinal Georges d'Armagnac.


Depuis le XVI° siècle, le légat est rarement présent sur le territoire dont il a la charge ; c'est son représentant, le vice-légat qui devient de fait le gouverneur d'Avignon et du Comtat. Après les guerres de religion, ces fonctions ne sont plus occupées que par des italiens, et les nominations soumises à l'accord du roi de France. En 1693, la suppression de la charge de légat est le signe incontestable du déclin politique de la ville.

Entre Rome et la France

Sujets du pape mais enclavés dans le royaume de France, les habitants d'Avignon et du Comtat sont de fait sous la double tutelle du pape et du roi de France. Ils en tirent de nombreux avantages. Le premier n'impose ni taxes directes, ni charges militaires; François Ier leur octroie le titre de "régnicoles" (c'est à dire "habitants du royaume"), et leur concède quelques avantages commerciaux. L'économie prospère, elle repose sur la culture du tabac, la fabrication des soieries, l'imprimerie (en particulier les cartes à jouer et la contrefaçon de livres). La situation géographique et géopolitique favorise aussi le développement très lucratif de la contrebande, ce qui mécontente les autorités royales.


Du XIVème siècle au XIXème siècle, la rue des teinturiers à Avignon a été le siège d'une intense activité manufacturière. Les roues à aube alimentaient en énergie les moulins et les filatures de soie.


Cette prospérité repose sur des bases fragiles, elle reste subordonnée à la conjoncture politique, selon la qualité des rapports entre le roi et le pape. Ces rapports furent très bons durant tout le XVI° siècle, mais devinrent plus difficiles à partir du règne de Louis XIV. Avignon et le Comtat sont utilisés comme "otages", elles sont occupées et réunies temporairement au royaume de France en 1662-1663, 1688-1689 et 1768-1774. La pression économique se fait plus forte, et en 1734, à la suite d'un sévère blocus douanier, la fabrication d'indiennes est interdite, et d'étroites mesures protectionnistes françaises pénalisent fortement la production des teinturiers avignonnais en faveur des villes françaises voisines comme Nîmes ou Lyon.


Gouvernés par des vice-prélats italiens sans envergure et souvent impopulaires, les avignonnais, marchands et industriels, ne verraient pas d'un mauvais œil une réunion définitive, alors que les habitants du Comtat, plus ruraux restent profondément attachés à l'autorité du pape.



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