Sagneur en Camargue : la fin d'un métier ?


Pour gagner en rentabilité, certains sagneurs en Camargue imaginent adapter des machines agricoles pour couper les roseaux plus rapidement. C'est le choix qu'ont fait les deux frères d'André. "Une machine coupe l'équivalent de 1200 paquets par jour, soit huit à dix fois plus qu'un sagneur en Camargue traditionnel."

La profession de sagneur en Camargue, qui doit par ailleurs faire face à la concurrence du roseau venu de Hongrie et de Turquie, est en pleine mutation.

"Aujourd'hui les coupeurs de roseaux changent de métier, soit parce qu'ils sont écoeurés de l'état du marais, soit parce qu'ils ne gagnent plus assez d'argent."


Une fois son bateau rempli d'un joli dôme doré, André, sagneur en Camargue, range ses outils – le sagnadou, la pierre d'aiguisage et le fil à lier. A l'aide d'une grande perche, la partègue, il propulse l'embarcation à travers les canaux, roubines et ragues selon leur taille, qui forment un véritable labyrinthe.

"Il m'arrive encore de me perdre, regrette-t-il. Lorsque le roseau est bien haut et qu'il se referme derrière moi, je n'ai plus aucun point de repère, impossible de savoir d'où je suis venu."


Les histoires de sagneurs noyés, perdus ou avalés par les sables mouvants de la Camargue se racontent en nombre au village. La sagne ondoie lourdement sur ses longues tiges, ses plumets voilant parfois le soleil. La barque glisse sans bruit sur les eaux noires, créant des dépressions qui renvoient des cercles d'une rive à l'autre. Un oiseau de proie survole majestueusement la scène. Un peu plus loin, sur la berge, gît un immense tas de sagne coupée.


André Calba descend de son embarcation et salue Nicolas Bouterin, seize ans. Celui-ci est lieur.

"Les machines coupent la sagne sur de grandes surfaces, qu'elle soit belle ou pas. Ensuite il faut la trier, et la mettre en paquets" explique-t-il. On est une douzaine à faire ça."

Il prend une brassée de sagne et crache dans ses paumes pour mieux attraper son peigne, un râteau au manche court. Il espousse avec son peigne pour faire tomber racines et vieux roseaux. Les débris de sagne volent autour de lui. Comme André tout à l'heure, il lie le paquet et tire d'un coup sec pour briser le fil de fer.

"Chaque lieur a sa propre façon de lier. Si quelqu'un me vole un paquet et le met dans son tas, je le reconnais tout de suite."

Nicolas a quitté l'école l'an dernier et n'envisage pas sa vie ailleurs que dans la roselière.

"Depuis tout petit, j'aime le roseau et les marais. Dès que je peux, je viens là. Ici tu es tranquille, personne ne t'embête et la nature est magnifique. Je connais presque tous les oiseaux : la Rousserolle, le canard Colvert, le Foulque, le Butor…"

Il lie environ 120 paquets par jour. Pour chacun d'entre eux, il touche 30 centimes (2005).

Machine agricole pour couper la sagne

Sagneur traditionnel et son embarcation dans les marais de Camargue

Le lieur de Sagne

Le lieur trie la sagne et la met en paquet

Paysage de Camargue au coucher du soleil

Envol de flamands roses en Camargue


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