Le quartier des Savonniers à Salon de Provence

Folie architecturale à Salon de Provence

A l’apogée de sa prospérité huilo-savonnière, Salon de Provence s’étend sur la plaine de la Crau, ouvre des avenues pour desservir les nouveaux quartiers et voit pousser de somptueuses bâtisses qui si elles n’ont pas toutes disparu aujourd’hui ont connu des destins divers…


« C’est comme si une fulgurante couverture de pierres et d’ardoises s’était abattue sur la bourgade de Salon à la charnière des 19e et 20e siècle » selon l’expression imagée de Marie-Christine Braillard, conservateur du musée de Salon et de la Crau. Une étrange épidémie en effet s’empare de la petite ville à l’heure de son fulgurant envol économique, semant les avenues nouvellement ouvertes à l’ouest et au sud de la bourgade de demeures rivalisant d’emphase architecturale.


En dépit du tremblement de terre de 1909 et des injures du temps, il reste, boulevard de la République et alentour, témoins de cette période, d’énormes maisons appelées hôtels ou villas dont pratiquement aucune n’est restée dans les mains des familles propriétaires d’origine. Beaucoup d’ailleurs n’ont trouvé le salut qu’en se transformant en bâtiments publics ou commerciaux : banque, clinique, Palais de justice, Chambre de commerce…


Un phénomène de « castellisation », comparable à celui de Barcelonnette qui n’a pourtant pas donné lieu à l’invention d’un style ou fait émerger des architectes locaux. Car la nouvelle bourgeoisie salonaise, à l’ascension sociale et la fortune rapide, n’a pas forcément le goût très formé ni la volonté de faire œuvre artistique. Compte surtout d’arborer des façades dignes de son rang social. Les demeures, édifiées par des entrepreneurs locaux auxquels on demande peu d’initiative, sortent tout droit de catalogues, très en vogue à l’époque. Dans ces brochures de planches illustrées, on pouvait choisir entre des vues de façades principales et des plans des différents niveaux. Il suffisait ensuite de personnaliser l’ensemble en optant, toujours sur catalogue, pour telle forme de lucarne ou tels détails décoratifs. Une solution financièrement intéressante et peu coûteuse en imagination !

Théâtre Armand à Salon de Provence

Décor intérieur du théâtre Armand

Palais de Justice de Salon de Provence et sa coupole

Coupole du Palais de Justice et détail de la fresque

Salle du Palais de Justice, tapisseries et boiseries

Maison du Savonnier Jules Marius Fabre

Verrière de l'Hôtel Jules Marius Fabre

Villa aux Cigales

Cercle des Arts et Métiers

A Salon, plusieurs styles percent de concert.

- Un genre « château » classique, de composition symétrique et régulière, à façade en pierres de parement, aux balcons de fer forgé à l’étage noble, aux toits mansardés surmontés d’épis de faîtage (villas Bourgue, Saint-Victor, Blanche, hôtels Pécout, Biet-Sube…).

- Une série de styles « néo » : néo-palladien pour l’hôtel Pascal avec ses pavillons d’angle et ses loggias.

- Néo-Louis XIII pour le château Lavastre alternant brique et pierre.

- Néo-romantique pour la villa Armieux aux accents gothiques. D’aucuns  penchent pour la villa « balnéaire », lançant la mode de l’architecture de villégiature qui caractérise la villa Couderc.

- D’autres enfin, et vers les années 1910-20, suivent l’élan Modern Style ou Art nouveau, auquel il était difficile d’échapper.

Sur des plans plus simples, les demeures s’ornent de bow-windows et les façades de motifs floraux (villa Jules-Marius Fabre et hôtel Roche).


L’euphorie architecturale salonaise ne s’est pas cantonnée aux demeures privées ou aux manufactures. Elle s’est également étendue au domaine public, urbanistique, artistique.

C’est à cette période entre 1870 et 1920 que furent édifiés en effet hôpital, hippodrome, poste, caserne de gendarmerie, le cercle des Arts et le théâtre Armand, important lieu de spectacles municipal depuis sa réouverture il y a deux décennies.

Ce joli théâtre à l’italienne, où l’on repère encore sous le plafond peint par Oppenheimer les loges du maire et du général, est dû à la générosité d’un prospère négociant local du nom d’Etienne Armand. Ce marchand d’huile voulait contribuer, à travers l’édifice, à l’épanouissement culturel de sa ville et sans doute laisser une trace durable de sa riche existence. Candidat bâtisseur malchanceux, Armand dut faire face à de telles vicissitudes techniques et financières que, victime de la fameuse épidémie de choléra de1884, il mourut ruiné avant même qu’une première pièce fût donnée dans son théâtre. Lequel fut ensuite vendu aux enchères par son fils à un autre commerçant qui le céda à la municipalité en 1891… Aucun descendant du malheureux mécène ne répondit à l’appel lors de l’inauguration du bâtiment après rénovation en 1986.


Au fil de la balade dans ce quartier résidentiel et paisible du Salon d’aujourd’hui, les façades de ces splendides bâtisses, çà et là égrenées, grands témoins immobiles d’une époque oubliée, finissent par faire entendre, doucement murmuré, un pan d’histoire. Cela s’appelle le patrimoine, dont on sait combien, pour construire le futur, pour enrichir l’aujourd’hui, il est capital à préserver, comprendre, étudier. Ou regarder, tout simplement, pour le faire exister...


L'office de Tourisme propose une balade dans le quartier des Savonniers.  Ces édifices sont pour la plupart privés ou ne sont ouverts qu'ocasionnellement au public. Mais vous pourrez admirer de l'extérieur, l'exhubérance de leur architecture.


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