Laure de Noves

L'histoire de LAURE et de PETRARQUE est une page de notre patrimoine qui a maintes reprises a été chantée, jouée, écrite ; aussi n'allons nous pas la redévelopper.

Mon but est d'essayer d'expliquer qu'effectivement et en vertu des énormes travaux de recherches que de savants membres de l'Académie de Vaucluse ont effectué précédemment, la thèse d'une part de l'existence de LAURE, d'autre part de son ensevelissement dans une chapelle des cordeliers (à Avignon, rue des Teinturiers) est justifiée.

Il est vrai qu'à plusieurs reprises des auteurs ont prétendu que LAURE n'avait existé que dans la prolixe imagination du grand poète Francesco PETRARCA dit PETRARQUE. Beaucoup d'encre a déjà coulé à ce propos.


On finit par ne plus savoir que penser tant la variété des opinions diverge d'un ouvrage à l'autre, chacun voulant démontrer que sa théorie est la meilleure, au risque parfois d'ignorer, voire de déformer la réalité historique, et de sacrifier à la facilité du "sensationnel"ou de "l'inédit". Aussi nous contenterons-nous de ne conserver comme base de référence, que les propos tenus, prouvés, démontrés, référencés et écrits, des doctes membres de la très respectable et auguste Académie de Vaucluse.


Donc, au vu de ce qui a été jusqu'ici démontré, il ne peut être question au sujet de l'existence de LAURE, d'une simple théorie. L'étude de documents aussi variés que classés dans des endroits aussi différents que MILAN, LYON et AVIGNON, permet sensément d'affirmer qu'elle fut bien réelle.


Se pose alors la question de savoir de quelle LAURE il s'agit, puisqu'il y a, là encore, divergence de points de vue. D'aprés les rares, mais néanmoins réels indices, que nous a laissés PETRARQUE, et surtout en procédant par élimination après examen détaillé des tables de généalogie, des actes notariés et autres registres officiels concemant chacune d'entres elles (bien que certaines soient introuvables...), il résulte que, seule LAURE né en 1310 à AVIGNON, fille du chevalier AUDIBERT de NOVES, épouse de HUGUES II de SADE (fils de Paul) comme le confirme le contrat de mariage rédigé par Raymond FOGASSE, le 16 janvier 1325, réunisse toutes les caractéristiques justifiant que c'est bien d'elle qu'il s'agit.


Parmi les divers témoignages nous retiendrons les annotations faites sur un exemplaire de VIRGILE, que posséda le poète, connu sous le nom de Virgile Ambroisien, du nom de la célèbre bibliothèque AMBROISIENNE, fondée en 1609 à MILAN, où il se trouve à présent, et sur lequel d'une écriture gothique difficilement déchiffrable, il nota par exemple sa rencontre avec LAURE :


"LAURE, illustre par ses vertus et fort célébrée dans mes vers, m'apparut pour la première fois pendant ma jeunesse en 1327, le 6 avril dans l'église Sainte-Claire à AVIGNON, à la première heure du jour; et dans la même cité dans le même mois, au même sixième jour et à la même première heure en l'an 1348, cette éclatante beauté fut soustraite à la lumière alors que j'étais à VERONE, ignorant hélas ! de mon malheur. Le corps si beau et si chaste de LAURE fut enseveli au couvent des frères Mineurs, le jour même de sa mort vers le soir".



Bien qu'écrivant très très mal, d'une écriture "plus hermétique qu'un hiéroglyphe", dira, en 1944, le docteur Laurent MOREAU, ancien président de l'Académie de Vaucluse, et qu'il n'existe que peu d'exemplaires de celle-ci, qui, de plus, fut sans doute aussi changeante que lui-même, les spécialistes s'accordent à reconnaître l'authenticité des notes du Virgile Ambroisien.

VITARELLI, un des plus anciens biographes de PETRARQUE, expliquera que pendant 21 ans, il aura l'attitude de tout amoureux type; inquiet au moindre froncement de sourcil de son aimée, ou léger comme une bulle avec dans les yeux les larmes de joie d'un enfant, au plus timide de ses sourires.

L'histoire de LAURE et de PETRARQUE est une page de notre patrimoine qui a maintes reprises a été chantée, jouée, écrite ; aussi n'allons nous pas la redévelopper. La belle, fragile et chaste LAURE disparait provoquant dans le coeur du poête des "canzones" une indélébile et permanente blessure d'où s'écoulera semblable à une encre inépuisable, la source intarissable de son immense talent.

La cause de sa disparition n'est pas établie de façon indubitable, mais la plupart des historiens penchent pour la peste, car en effet, cette année-là, AVIGNON connut l'épidémie la plus meurtière de son histoire.


Parmi les personnes qui assistèrent à l'agonie de LAURE, aucune ne signala un quelconque des signes pourtant reconnaissables de cette effroyable faucheuse de vie. PETRARQUE est informé de la terrible nouvelle par son ami et fidèle disciple Louis SOCRATE, qui ne lui fit à ce sujet aucun commentaire. C'est pourquoi devant cette totale absence de témoignages qui pourrait indiquer qu'elle fut victime de la "MORT NOIRE", certains pensent qu'elle succomba plutôt de consomption, faisant suite à une phtisie, cette sorte de tuberculose pulmonaire qui aurait peut-être été occasionnée par l'épuisement dû à ses onze accouchements, elle n'était âgée que de 38 ans.


Il est logique de penser qu'en tant qu'épouse d'Hugues, Laure soit inhumée dans la chapelle des SADE, aux Cordeliers, c'est du moins la déduction à laquelle arriva en 1532, Maurice SCEVE, humaniste et poète Iyonnais.

Sa conviction fut définitive quand, après avoir déterminé avec certitude l'emplacement de la chapelle, il vit la pierre sépulcrale, devant l'autel, où le seul des deux écussons armoriés gravé dans la pierre et déchiffrable portait "2 branches de laurier en sautoir entourant une croix alaisée et surmontées d'une rose héraldique".


Il se fit ouvrir la tombe et découvrit, dit-on, une médaille représentant une femme se déchirant le sein, ainsi qu'un "Sonetto" attribué à PETRARQUE, enfermés dans une boîte de plomb, déposée dans le caveau. Le poète étant absent à la mort de sa belle (il était à Vérone; la fatale nouvelle ne lui parviendra à Parme que le 19 mai au matin), il semblerait d'après l'hypothèse soutenue par G. RAMETTE, que l'auteur véritable du sonnet soit LOUIS, le fidèle ami qu'il baptisa toujours affectueusement SOCRATE. Quelques temps plus tard, au mois d'août 1533, FRANÇOIS 1er qui, avec au moins sept visites, sera le souverain français le plus reçu à AVIGNON, assistera à l'ouverture du tombeau de LAURE aux Cordeliers où il était venu exprès se recueillir. Il composera spécialement à cette occasion les vers restés célèbres qu'il y déposa :


En petit lieu comprins vous pouvez veoir

Ce qui comprend beaucoup par renommée.

Plume, labeur, la langue et le sçavoir

Furent vaincus par l'aymant de l'aymée

O gentille âme ! estant tant estimée,

Qui te pourra louer qu'en se taisant,

Car la parole est toujours réprimée,

Quand le sujet surmonte le disant.


En 1784, signalons la visite du comte Auguste Frédéric MOSZYNSKI, membre de la haute aristocratie polonaise, qui à l'occasion d'un voyage en PROVENCE, s'arréta à AVIGNON, en fin d'année et par un glacial mistral, le rendant de fort mauvaise humeur. Il y fit le tour des églises, consignant de nombreuses remarques dans un journal de voyage, conservé aujourd'hui à la bibliothèque des princes CZARTORYSKI à CRACOVIE. A propos des Cordeliers on peut y lire ceci :


"J'ai vu dans cette église, sur les vieux parchemins, les vers que FRANÇOIS ler a faits sur le tombeau de la belle LAURE, après en avoir tiré d'une boîte de plomb ceux de PETRARQUE qui sont très beaux. Ceux de sa Majesté sont inintelligibles". Il dit aussi à propos de la tombe de LAURE : "Elle même est enterrée dans une chapelle, où est sa tombe, dans un coin, sans inscription. cachée derrière des bancs". N'apportons tout de même pas un jugement trop hatif sur ce témoignage pour le moins troublant, et sans vouloir mettre en doute la véracité de ses dires, rien ne permet d'affirmer que ce fut véritablement la chapelle de LAURE que vit le comte, ni même qu'il fut mis en présence des parchemins originaux. Etant étranger, ne maîtrisant pas toujours bien notre langue, ne connaissant peut être qu'imparfaitement le mythe des amoureux célèbres, il n'est pas interdit de penser que légende aidant, il put être sinon sciemment dupé, du moins mal renseigné.


Marc MAYNÈGRE


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